avril 2

La Femme TooMuch voyage dans le temps, épisode 1

Femme Too Much, Voyage

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Leçons du passé, sur le privilège, la visibilité et la perception.

Imagine ça.
Gare, Jodhpur, Inde, 1980
J’ai 13 ans
Mes parents hippies et moi-même voyageons à travers l'Inde depuis 2 mois.
Ça se passe en août.
Le temps de la mousson.
Les températures dépassent les 45 °C la plupart des jours.
Je parle ici d'un type de voyage qui exclut tout type de climatisation, de vrai confort ou de luxe, et qui comprend sacs à dos, robes fleuries, transports en commun et hôtels douteux.
C’est un choix. Mon père en particulier tenait beaucoup à "rencontrer les habitants, vivre comme eux" et ainsi de suite.
Bien sûr, cela signifiait quand même ne pas boire d'eau avant qu'une pilule de Nivaquine ne l’ai désinfectée et autres mesures de survie de base.
Mais peu importe.
Revenons à mon histoire.
Nous sommes là. Nous attendons. Pendant des heures. Qu'un train arrive et nous emmène à Jaipur.
Le train est en retard.
Mon père, obsédé par les horloges suisses, nous a fait arriver tôt à la gare.
Le train est très en retard.
Nous parlons d’heures.
Il fait chaud.
J'ai cédé les deux derniers sièges à mes parents.
Je suis debout.
J'ai 13 ans, je suis blonde, plutôt potelée, la peau blanche, vêtue d'un tee-shirt blanc et d'une jupe fleurie.
Il y a une foule d'Indiens dans cette gare, qui marchent, se tiennent et debout, sont assis où même allongés sur le sol.
J'ai l'impression d'être au milieu d'une fourmilière, d’une ruche d'activité, tout le monde de couleur sombre.
Lentement, je prends conscience que nous sommes, que je suis, au milieu d'un cercle qui s'est formé autour de nous.
Il doit y avoir 100 personnes autour de nous, et moi, la fille blonde et blanche, je suis au centre de l'attention.
Ils me regardent.
Pas de haine ni aucune sorte de "mauvaise" ambiance… Juste de la pure curiosité et de l'intérêt…
Je suis la bizarrerie, la rareté.
Rappelle-toi, nous sommes en 1980, dans une gare éloignée… Le tourisme de masse n'est pas encore arrivé jusque là.
La chaleur, la pression, la bizarrerie.
Je m'évanouis.
Je m'effondre littéralement au sol.
Il semble que mon cerveau et mon corps n'aient pas le choix.
Je perds connaissance.
Trop visible pour être supportable.
Je choisis de disparaître.
Tellement symbolique, tu ne trouves pas?
Cela t’est-il déjà arrivé?
Peut-être d'une manière moins évidente.
Mais ce sentiment…
Je n'ai pas d'autre choix que de disparaître.
J'ai compris depuis quelques années que cet événement a façonné une partie de la façon dont je suis (ou non) visible dans le monde.
Et chaque fois que je deviens trop visible, je choisis de disparaître pendant un moment.
Je perds le contact avec le monde extérieur.
Je ne m'évanouis plus… mais je disparais des réseaux sociaux par exemple.
Est-ce que cela résonne ?
As-tu déjà réalisé que ces petits événements de ta vie façonnent la manière même dont tu agis et réagis encore aujourd'hui?
Ce ne sont pas toujours les grandes choses traumatisantes. Parfois, ce sont les petites choses.
Raconte-moi les tiennes, si tu as envie.
Ce jour-là, c'est le jour où j'ai appris ce que signifie se démarquer, ce que signifie être visible, ce que signifie être étrange.
Pour de vrai.
Pas de métaphore ici.
Et le jour où j’ai appris aussi à réagir en me cachant, en choisissant de disparaître.
Il m'a fallu des années pour vraiment comprendre, pour démêler le pourquoi et le comment, puis un peu plus de prise de décision et de temps jusqu'à ce que j'arrête de le faire et que je décide de faire quelque chose de différent.

Mais l'événement que je décrivais ne s'est pas terminé là.
Il y a un suivi, une suite, et elle s'accompagne d'une leçon et d'un message tout à fait différents.
Dès que je m'évanouis, aussitôt (et on m'a raconté tout ça, je ne m'en souviens plus) un homme bien habillé vient à la rescousse, fait signe à la foule de partir, m'apporte un petit ventilateur électrique et de l'eau à boire (ce que je ne ferai pas, Nivaquine bien sûr !).
Il explique en anglais à mes parents qu'il attend le même train que nous, et qu'il trouvera un moyen pour nous d'être dans son compartiment de 1ère classe, "pour que votre fille puisse se remettre complètement en paix".
À ce moment-là, j'ai repris mes esprits et ma mère m'a donné sa place.
Me voici donc en train de récupérer et d'être tout à fait choyée.
Le train arrive.
Et le "gentleman" indien tient parole. Par magie, nous nous retrouvons tous les quatre dans le même compartiment de première classe (je sais pertinemment que mon père n'a pas payé pour la 1ère classe ... Il se serait senti un tel traître à ses valeurs hippies!)
Et ma mère et mon père, néanmoins très reconnaissants, entament une conversation avec l'homme.
Le train n'a pas bougé depuis une heure.
Nous attendons toujours son départ.
La situation dans son ensemble est assez conviviale et je peux voir mon père se détendre… il semble avoir enfin trouvé quelqu'un à qui parler, un "local" qui s'intéresse en fait à un échange intellectuel, pas seulement commercial (mes parents ont perdus beaucoup de leurs rêves hippies pendant ce voyage et… tu n’as encore rien vu …)
À un moment donné, un homme infirme, visiblement très pauvre et malade, à peine capable de marcher avec de vieilles béquilles en bois, qui passait devant notre train sur le quai, cet homme s'effondre littéralement à l'intérieur de notre compartiment… par terre.
Et le monsieur, l'homme indien avec qui mon père et ma mère s'étaient liés, l'homme qui avait dispersé la foule, disant aux gens que j'avais besoin d'air et de nous laisser tranquilles, cet homme sympathique, clairement une personne de haute caste, chasse simplement le vieux malade infirme hors du train.
À coups de pieds.
Comme tu le ferais pour un chien qui a la rage.
Comme tu ne le ferais même pas pour un chien, en fait.
Nous sommes stupéfaits, choqués, consternés.
Pas de mots.
Sans aucun doute, l'homme infirme était un intouchable.
Et je ne suis pas ici pour discuter des vertus et des vices de la religion et de la société hindoues.
Juste une chose.
Le privilège.
C’est aussi le jour (et rappelle-toi que j'avais 13 ans) où j'ai compris le privilège.
Dans ma peau. Dans mon corps.
J'étais et je suis à jamais une privilégiée.
Et il n'y a RIEN que je puisse faire ou dire qui changerait cela.
Rien de ce que j'ai fait, rien de ce que j'avais, rien de ce que j'étais, ne m'a accordé ce privilège.
Juste la chance.
Je ne pourrais jamais ignorer ou oublier cet événement.
Je ne pourrais jamais ignorer ni oublier mon privilège.
Je le sais maintenant dans mes cellules.
Et cela comporte une énorme responsabilité. J'y reviendrai.

Ce que ces deux histoires ont en commun, c'est la perception.
La perception change tout.
Comment je vois les événements.
Comment je vois les gens autour de moi.
Blanc, indien, pauvre, riche, bizarre ou pas…
Je crée mon monde avec mes perceptions. Et puis avec mes réactions, mes actions.
Depuis ce jour, j'ai consciemment décidé de créer un monde où l'égalité existe entre les humains.
Et je fais.
Tous les jours.
Je concentre une partie de mon énergie à traiter tout le monde de la même manière, à contester mes préjugés et je n'oublie jamais, jamais que ce statut privilégié me donne la responsabilité d'agir.
Parce que je peux, quand les autres ne le peuvent pas.
Parce que j'ai une voix.
Parce que je suis blanche, riche et libre.
Alors je le fais.
Même quand je me sens malheureuse, pas assez riche, discriminée pour être une femme, pas assez libre, moins privilégiée que les autres, etc.
Je me souviens du vieil homme infirme, dont la vie semblait n'avoir aucune valeur, dont la simple existence n'avait aucune valeur.
Il y a 40 ans.
Et je pleure.
Et je me sens tellement chanceuse.

Quelles perceptions peux-tu contester autour de ton propre bonheur ou de tes difficultés et voir les cadeaux dans ta vie, l'abondance dans ta vie, l’extraordinaire dans ta vie?

Je serai ravie de t’entendre sur ces quelques grandes idées. Merci d'avance pour ton commentaire.
C’est tout pour aujourd'hui ...
A bientôt, pour mes prochaines aventures en ligne!
D’ici là, je t’envoie de amour, lumière et gratitude.
Isaya

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